Les intellectuels de l'Antiquité

Pour un beau siècle, ce fut un beau siècle,et d'abord parce qu'un autre l'avait précédé qui ne l'était pas moins.Car ne ces temps là,on savait vivre sur le capital culturelle du passé,au point qu'on se défiait a priori à la modernité:une nouveté n'avait des chance de passer que si on reconnaissait l'ancien sous une autre forme.Si bien que les gloires des dernieres années de la Republique,un Cicéron,un Horace, un Varron, ou du tout début de l'ère impèriale,un Virgile un Ovide,sont plus que jamais présentes dans la mémoire du siècle.Bien loin d'entamer à leur mort ce long purgatoire que connaissent les nôtres,les célébrités de ce passé là ne prennent que plus de valeur,comme le bon vin, à s'y enfoncer.Leurs oeuvres, recopiées, souvent présentées en morceaux choisis,apprises par coeur,constituent un gisement inépuisable de tournures,d'arguments,de modèles, de citations

Depuis presque trois siècles, on répétait le mot du vieu Caton:vir bonus dicendi pertitus;un homme bien qui sait parler.Le gratin de la société romaine cuit dans le même four et prend forme dans le même moule.C'est ce qui explique cette parenté des grands auteurs,même extraction sociale, même culture.On ne parle guère du Romain "de la base".

Pétrone s'était diverti du petit monde qui gravitait autours des parvenus.On n'a pas récidivé depuis,

Plus tard Apulée entrainera son public chez les paysans et chez les malfrats,mais on sera déjà en fin de siècle.Pour le moment tout tourne dans un cercle restreint, dont les initiés portent la marque des mêmes auteurs.

Quand en l'an 98 de notre ère s'éteignit l"aimable Nerva" comme l'appelle Martial,et que Trajan prit sa place à la tête de l'Empire,Pline le Naturaliste avait disparu depuis dix neuf ans dans la catastrophe du Vésuve.  

Pline,le neveu qui a tout juste trente six ans,sera presque aussi célèbre mais pour une autre raison: la fameuse correspondance qu"entretient ce fonctionnaire avec ce que la haute société de Rome compte,sinon de plus intelligent,du moins de plus distingué.Sans même parler du courrier officiel avec l'Empereur,questions et réponses:

Martial,le poête,s'achemine vers la soixantaine.Passablement arriviste,il a fini par arriver:feu Dominitien l'a élevé au rang de chevalier.C'est moins doré que sénateur,mais cela implique déjà de jolis revenus.Dans ses déclamations publiques en petits comités,qui constituent à Rome un divertissement couru, on écoute avec jubilation le poète.Dans ses epigrammes pleines de rosseries et de sous entendus graveleux Il  prend à partie le peuple .

Quintilien est autrement serieux;c'est le grand maître de l'éloquence officielle.Il achève à soixant-huit ans une vie comblée: retraité de la chaire subventionnée de réthorique, il s'est vu confier par Dominitien l'instruction de petits-cousins un moment déstinés à la pourpre.A ce Bossuet païen il n'aura même pas manqué l'éducation des dauphins, à cela prés qu'ils ne régneront pas leur père ayant prématurément disparu dans une affaire mal éclaircie d'athéisme et de prosélytisme juif ou chrétien?

Juvenal,le poète satirique frise déjà la quarantaine,et s'il régale ses auditeurs des ridicules et des tares de la société romaine avec une verve endiablée,il enrage visiblement de ne s'y être pas casé plus confortablement.

Le grand Tacite a quarant trois ans il est l'un des seuls du tout-Rome à ne se point contenter du brillant,qu'il a d'ailleurs du reste:ce grand commis réfléchi.S'il s'adonne à l'histoire,ce n'est pa comme d'autres,en simpla analyste et compilateur:il voit loin.C'est un philisophe de la politique qu'il analyse des faits:c'est en psychologue qu'il met à nu les mobile derrières les motifs,et burines des portraits qui ont l'intérêt pathétique des consciences chargées.Déjà l'avenir de Rome le hante,parceque la politique du présent l'inquiète.

Suétone,qui n'a encore que vingt-huit ans,ne connaîtra pas semblable perplexités.Il sera bibliothécaire en chef,puis directeur du courrier officiel sous Hadrien avant d'en être débarqué pour d'obscures raisons: familiarités excessive, a-t'on dit, avec l'impératrice..Il se cantonnera dans un genre plus modeste:la biographie des douze Césars.Impavide, il y deversa ses fiches sans rien omettre des ragôts plus ou moins épicés qui courent su les moeurs des princes.

Ne quittons pas l'histoire sans mentionner Flavius Josèphe,de son vrai nom Joseph ben-Mattathias-ha-Cohen un juif rallié  aux Romains aux temps déjà lointains de la guerre de Judée sous Néron et Vespasien."Collaborateur" et se donnant les meilleures raisons de l'être,assimilé à la haute société flavienne ,il est vieux,maintenant: soixant et un ans.Plus que deux petites années devant lui  pour jouir des délices de la nomenklatura.

Que d'étoiles dans le ciel de Rome,au moment où s'ouvre le siècle.

C'est ainsi que le vieux Dion dit Bouche d'or (Chrysostome),qu'il ne faut pas confondre avec le Saint Jean du IVeme siècle avait dû prendre le large avant de faire ,sous Nerva et Trajan,une rentrée politique fracassante.Pour l'instant ,c'était ce penseur activiste de soixante-huit ans qui contribuait le mieux à la mise au point et à la mise en place de l'idéologie impériale.Ses grands discours sur la Royauté idéale,qu'il distillait de vieux textes grecs,désignaient Trajan comme le meilleur des princes,choisi comme tel par les dieux pour gouverner le monde civilisé en délégation de Jupiter,Junon,et Minerve.